GO NO GO

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5 April 2016

Je ne m’étais jamais intéressé au jeu de GO. Je savais qu’on y joue depuis plus de 4 000 ans en Chine et qu’il y a des pièces blanches et noires. J’ai aussi un vague souvenir d’une scène de « A Beautiful Mind » avec Russell Crowe où le mathématicien fait une crise après avoir perdu à ce jeu.

C’était jusqu’à ce que l’on nous promette un duel historique entre l’humain et la machine (un genre de DeepBlue vs Kasparov) un duel à finir entre l’intelligence organique vs virtuelle : AlphaGo contre Lee Sedol (qui serait considéré comme le meilleur joueur de GO au monde).

À écouter les commentateurs, l’affrontement n’avait rien d’amical ou d’inoffensif, une victoire de l’ordinateur signifierait que nous deviendrions, à terme, tous obsolètes au travail et, qui sait si AlphaGo ne se transformerait pas en SkyNet, le méchant ordinateur de Terminator. Le pauvre Lee Sedol avait tout le poids de la sauvegarde de l’humanité sur les épaules… et il a perdu, 4 à 1.

L’implacable domination de la machine (qui a aussi battu le champion Européen, Fan Hui, 5 à 0) dans un jeu créatif et intuitif comme le GO marque l’imaginaire. Les partisans du Deep Learning  y voient d’incroyables possibilités d’applications dans plusieurs domaines (une révolution semblable à l’apparition de l’ordinateur ou d’Internet). À l’instar de Lee Sedol, une foule de travailleurs hautement spécialisés, même les meilleurs de leur domaine, seront éclipsés par la machine.

Les Doomsday Preppers peuvent cependant dormir tranquille, les artisans de l’intelligence artificielle nous ont rappelé que nous étions loin de SkyNet. Le GO ne présentait au fond qu’une étape : le jeu de société ouvert (comme le tic-tac-toe ou les échecs) où les règles sont simples et les mouvements de l’adversaire prévisibles. Le prochain défi, plus complexe, sera de s’attaquer aux geeks, dans des jeux comme Star Craft où les mouvements des adversaires peuvent être voilés ainsi que Magic de Gathering, où les complexités incluent la chance, l’inconnu par rapport aux cartes des adversaires, le changement constant des règlements mais surtout la nécessité de comprendre la synergie entre les cartes pour n’en choisir qu’une soixantaine alors qu’il y en a des milliers de disponibles. 

Finalement, ce qui est passé sous le radar, c’est l’incroyable visibilité que cet événement a apportée au jeu de GO à l’extérieur de ses marchés traditionnels asiatiques. Presque tous les médias ont accordé un segment/un article à chacune des 5 parties. Plusieurs articles de fond, d’abord intéressés au côté « intelligence artificielle » de l’événement, sont allés par la bande faire l’apologie du jeu de GO.

Mon désir de comprendre les dessous de l’affrontement m’a poussé à acheter une App de GO (3,99 $, ce n’était pas un gros risque). Voilà au moins un groupe qui ne sera pas remplacé de sitôt : les consommateurs. Une machine peut vaincre les champions du monde, mais elle ne va pas spontanément s’acheter un jeu de GO pour essayer.